Willem Pijper est en général considéré comme le personnage le plus important de la musique hollandaise moderne. Son grand talent, qui fut vite reconnu aussi hors des frontières de son pays natal, ajouté à l'influence qu'il exerçait sur ses élèves et au vif pouvoir de critique avec lequel il exprimait ses idées dans les journaux et les périodiques, lui ont donné, plus qu'a d'autres, une grande force stimulatrice dans le domaine de la musique.Adapté avec l'aimable autorisation de: Documents in the Netherlands for Music (Donemus), Amsterdam, Hollande.
Pijper est né le 8 septembre 1894 à Zeist, une petite ville près d'Utrecht. Il fut baptisé Willem Frederick Johannes Pijper. Ses parents, ouvriers, possédaient une foi calviniste inébranlable et n'accordaient que peu d'intérêt à la musique. Son père, un tapissier qui accompagnait parfois les chants des psaumes à l'harmonium, lui apprit les noms des notes sur la clef de sol lorsqu'il avait cinq ans. Par la suite, Willem découvrit tout seul l'utilisation des dièses et des bémols, et commença à composer des mélodies simples. Même à ce jeune âge, sa fascination pour les structures musicales symétriques était évidente; utilisant son propre esprit d'invention, il construisit une échelle C dans laquelle les intervalles montants et descendants étaient identiques. Cela intéressa l'organiste d'une proche paroisse, qui permit à Willem de jouer sur l'instrument de son église. A dix ans, il commença à prendre des leçons de piano, et fit de rapides progrès.
Le jeune Willem
avec son chien Toppie.Sa santé fragile (une forme de bronchite asthmatique chronique) empêche le jeune Willem d'aller à l'école primaire. Pendant les treize premières années de sa vie, il fut éduqué chez lui. Pendant cette période, il fit des progrès intellectuels remarquables, et devint un lecteur vorace, avec une prédilection pour la botanique. Il passait avec grand plaisir de longues heures dans le jardin de son père, dans leguel il commença une collection de graines, qu'il étiquetait et rangeait avec précaution dans différentes catégories. Il conserva tout cela jusqu'a la destruction de sa maison pendant la deuxième guerre mondiale. En 1908, sa santé s'était suffisamment améliorée pour lui permettre de devenir l'élève du gymnasium. Il n'y resta que trois ans, souheaitant se consacrer totalement à la musique. En 1915, il réussit un examen sur des sujets théoriques à l'académie de musique d'Utrecht. Johan Wagenaar lui avait un peu enseigné l'art de la composition. Cet examen n'était qu'une formalité, puisqu'en dehors des brefs études suivies avec Wagenaar, il était totalement autodidacte dans le domaine de la composition.
L'évolution de Pijper dans le domaine de la musique fut particulièrement rapide. La différence de style entre la Première symphonie (dans laquelle on reconnait clairement l'influence de Mahler) et la Deuxième symphonie est significative/ En quelques années (entre 1918 et 1922), il devint l'un des compositeurs les plus avancés d'Europe. Dans chaque nouvelle oeuvre, il avançait d'un pas. Partant de sa conception que chaque travail artistique n'est au départ qu'un certain nombre de "cellules" (un concept qu'il développa sûrement à partir de ses observations botaniques quand il était plus jeune), il travaillait avec la précision d'un mathématicien, tirant des conclusions puis étudiant à partir d'elles.
Environ depuis l'année 1919, on décrivait Pijper comme un atonaliste. On ne peut pas remettre en question le fait qu'il ait consciemment abandonné la tonalité. Mais disons plutôt que sa façon polyphonique de penser et son sens hautement développé du contrpoint ont fait évolué son style harmonique dans dette direction. La bitonalité ou polytonalité de Pijper avait toujours pour but l'harmonie dans son ensemble. La complexité harmonique existe uniquement en raison de la tension physique qu'il recherche; elle est le moyen, et non l'objet, de l'expression musicale. En effet, malgré son autodiscipline sévère et l'application logique de ses idées, Pijper est demeuré un compositeur possédant un fort caractère émotionnel, ce dont sa Troisième symphonie (datant de 1926) témoigne.
Dans les travaux postérieurs de Pijper, l'expression harmonique semble parfois approcher la monotonalité. Cependant, il s'est toujours accroché à ce qui, dans son évolution musicale, était devenu son style personnel. A la différence de beaucoup d'autres compositeurs modernes, il n'a jamais succombé à la tentation d'adopter une ligne forcée ou une mode passagère. Pijper ne faisait pas d'expérience, il croyait en son propre système et sa propre logique.
En tant que professeur, Pijper a eu une énorme influence sur la musique hollandaise moderne. La plupart des grands compositeurs Hollandais des années 50 à 70 ont été, à plus ou moins long terme, ses élèves. Il fut premier professeur d'instrumentation au conservatoire d'Amsterdam, et de 1930 jusqu'à sa mort, chef du conservatoire de Rotterdam.
Pierre Monteaux et Willem PijperPijper donnait parfois des récitals de piano; il était assez actif dans ce domaine, tantôt soliste ou accompagnateur, surtout de 1925 à 1930 environ. Mais c'est en tant que critique qu'il a laissé le plus de souvenirs. En 1926, avec Paul F. Sanders, il mit en place le périodique De Muziek, dans lequel il a parfois écrit des essais d'une grande qualité, et au travers duquel il espérait guider la vie musicale hollandaise contemporaine. Des collections de ses essais ont été publiées par Querido (Amsterdam) sous les titres suivants: De Quintencirckel, et De Stemvork.
Les années de querre furent difficiles pour Pijper comme pour la plupart de ses compatriotes. Lors d'un gros bombardement allemand à Rotterdam, la 14 mai 1940, la maison de Pijper fut totalement détruite. Heureusement, il avait placé ses manuscrits à l'abri dans un coffre-fort plusierurs mois auparavant, et les a ainsi préservés pour la postérité.
Pendant ces années éprouvantes, Pijper travailla essentiellement sur un nouvel opéra, Merlijn, basé sur les legenes du roi Arthur. Même si ce travail ne fut jamais achevé, le compositeur y dépensa beaucoup de son énergie, pendant une période totale d'environ six ans. Pijper penait que cette oeuvre serait le dernier gros effort de sa vie, et qu'il ne vivrait pas assez longtemps pour la voir terminé.
Son intuition ne le trompa pas. A la fin de l'année 1946, il découvrit qu'il était atteint d'un cancer. Les années de guerre avaient empêché un diagnostic plus rapide, et il ne fut donc traité qu'en 1946. Durant ses dernières semaines de vie, il mit ses affaires musicales en ordre. Les derniers jours furent consacrés à la réécriture minutieuse de l'orchestration de son Concerto pour violoncelle et orchestre. Il acheva cet ultime travail le 3 février 1947.
Willem Pijper est décédé le 18 mars 1947. Pendant les 53 années de sa courte vie, il sut redonner à la muique do son pays une place d'importance dans la vie musicale européenne du XXe siècle. Depuis Jan Pieterszoon Sweelinck, la Hollande n'avait pas connu de compositeur d'une telle stature et d'une telle créativité.
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French translation by Sandrine Delrieu